The title of this show by Anne Bourse is Dissociation. This word isn’t commonplace, rather it defines a detachment from reality which can be interpreted in many different ways. In psychology, it has repercussions on memory or the perception of reality/normality. As reality/normality is a concept that is questionable in itself, dissociation has produced—in mythology, literature and cinema—many narratives that readily come to mind. Janus, Dr. Jekyll and Mr. Hyde, Psycho’s Norman Bates. This leads us to the double and everything that its apparition produces in reality. As each storyline comes to an end, we are often struck by the fact that the two figures, although diametrically opposed, only exist because of their constant confrontation, which unites them unconditionally. Janus is not only the two-faced god, he is also the god of doors and passageways—of transition, thresholds. A state of shifting from one state to another, a ritual even.
Here, we’re in a very codified space: the contemporary art gallery. This space is always more or less a version of the white cube, generalized in the 1970s. The white cube should obviously be white, clean and neutral, providing no context for the art shown within it. A laboratory. A stage. A set. The space where one plays, again and again, even too much, with whatever one wants. “One,” in this case, is the artist, or more particularly, is Anne Bourse. “One” because it is out of the question to digress towards the artist-double, a cliché inherited from Romanticism or Surrealism, reinforced by psychoanalysis. No need for “she” either, which can be slightly directive, implicitly orientating the work towards the primitive feminine.
In art, the double also means reproduction. The original is real and the double is the copy, plagiarism, the counterfeit. This is, in actual fact, how “one” works, over long periods, with utopia and awkwardness, with obsession and nonchalance, rewriting the lyrics of songs, reproducing both books and watches by hand. Even the fabrics were woven on a loom.(1) Then displayed as though in a luxury boutique, in Plexiglas cabinets (sticky-taped together). The fabrics are arranged like sleeves, calling for a hand, buttons. The sleeves detach and become a snake. Or they become keyboards, because music is never very far away.
Of course, boutiques for clothes and watches exist. They are modelled by designers, constructed by artisans, promoted in advertisements… Here everything is done in house because it’s the only way to both see and have the object as it forms. “One” obediently mimics gestures in order to create other states of possession. Herein lies superstition. Alienation as well.
The objects that are present, within this new mental realm, are inexact, maybe even irreverent. Necessary ghosts. The double also evokes, within the same family of words, diminutive versions of itself: doublure [understudy], a shadowy figure that we never really see or doublon [unnecessary extra] that is, by nature, superfluous. Doublure [lining] is also a word used in sewing, the interior layer that is not meant to be seen (like the understudy) but which touches the skin, passing from one body to another.
“One” covers pages with forms that become dysmorphic through the ink of a Bic four-color pen. Yet another doubling, covering another covering. I make things for a world with no home.(2)
What I am write to you has no beginning: it’s a continuation. From the words of this chant, chant which is mine and yours, a halo arises that transcends the phrases, do you feel it? My experience comes from having already managed to paint the halo of things. The halo is more important that the things and the words. The halo is dizzying. I plunge the word into the deserted emptiness: it’s a word like a slim monolithic block that gives off a shadow. And it’s a heralding trumpet. The halo is the it.(3)
(1) in no particular order, the fabrics are inspired by Marni suits (FW2023, SS2024), Agnes Martin, Charlotte’s second-hand skirt from Tokyo, Philip’s xoxo patterned blanket.
(2) from the interview between Anne Bourse and Pascaline Morincôme, published in H-Clubbing with Jean-Luc, Même pas l’hiver, 2024.
(3) Clarisse Lispector, Agua Viva, Penguin, 1973, p 41.
Translated by Aodhan Madden
Anne Bourse
Dissociation9 rue des Cascades, Paris

Il y a un titre à cette exposition d’Anne Bourse qui est Dissociation. Un mot pas vraiment anodin, qui définit un éloignement de la réalité et qui recouvre de multiples possibilités d’interprétation. En psychologie elle affecte la mémoire ou la perception de la réalité/normalité. Comme la réalité/normalité est un concept qu’on peut déjà questionner en soi, cette histoire de dissociation a produit dans la mythologie, la littérature, dans le cinéma, des récits qu’on a tous en tête. Janus, Dr Jekyll et M. Hyde, Norman Bates (Psychose). On pense à la figure du double et à tout ce que le surgissement du double produit dans la réalité. A la fin du récit, on est souvent saisi par le fait que les deux figures, si diamétralement opposées, n’existent que dans le rapport de force qui les unit inconditionnellement. Janus n’est pas seulement le dieu aux deux visages, il est aussi le dieu des portes et des passages - de la transition, de la liminalité. Le passage d’un état à un autre, ritualisé parfois.
Ici, on est dans un lieu très codifié : la galerie d’art contemporain. Toujours plus ou moins dans la filiation du white cube, généralisé dans les années 70. Le white cube se veut propre, blanc, neutre, sans aucun contexte pour accueillir l’art qu’on y montre. Un laboratoire. Une scène. Un plateau. Où on joue, on rejoue, on surjoue ce qu’on veut. On - ici c’est l’artiste, et maintenant c’est Anne Bourse. Car, hors de question de dériver vers le double de l’artiste, cliché romantique ou surréaliste, enhardi par la psychanalyse, pas besoin du « elle » non plus qui vise toujours un peu, en sous-texte à orienter le travail vers un féminin primitif.
En art, le double c’est aussi la reproduction. L’original c’est « the real thing », le double c’est la copie, le plagiat, la contrefaçon. On travaille comme ça, justement, dans un temps très long, avec utopie et maladresse, avec obsession et désinvolture, à réécrire des paroles de chansons, à reproduire à la main des livres, des montres. Et même des tissus, grâce à un métier à tisser(1). À les disposer comme dans une boutique de luxe, avec des vitrines en plexi (scotchées). Les tissus se disposent en manches, qui appellent une main, des boutons. Les manches dévissent en serpent. Ou alors ils deviennent des claviers - parce que la musique n’est jamais bien loin.
Bien sûr les boutiques de vêtements, de montres, ça existe. Il y a des designers qui les conçoivent, des artisans qui les fabriquent, des publicitaires qui les promeuvent… Ici on refait tout maison parce que c’est la seule façon de voir et d’avoir l’objet de la cristallisation. On reproduit, avec obéissance, des gestes pour fabriquer d’autres états de possession. Il y a de la superstition. Il y a de l’aliénation.
Les objets qui sont là, avec leur nouvelle mentalité, sont inexacts, peut-être irrévérencieux. Fantômes nécessaires. Le double provoque aussi, dans sa même famille de mots des versions dépréciatives : la doublure, pâle figure qu’on n’a pas vocation à voir ou le doublon, toujours superflu. Doublure est aussi un mot de couture, cette couche intérieure qu’on n’est pas supposé voir (comme la doublure de cinéma) mais qui touche la peau. Qui passe de corps en corps.
On recouvre les feuilles de formes qui se dismorphisent à l’encre du stylo Bic quatre couleurs. Comme un doublage encore, d’un état à l’autre de recouvrement. Je m’adresse à un monde sans adresse.(2)
Ce que je t’écris n’a pas de commencement : c’est une continuation. Des paroles de ce chant, chant qui est mien et tien, s’envole un halo qui transcende les phrases, tu sens? Mon expérience vient de ce que j’ai déjà réussi à peindre le halo des choses. Le halo est plus important que les choses et que les mots. Le halo est vertigineux. J’enfonce le mot dans le vide désertique : c’est un mot comme un fin bloc monolithique qui projette une ombre. Et c’est une trompette qui annonce. Le halo est le it.(3)
(1) en vrac, les tissus sont des reprises de costumes Marni, automne-hiver 2023, printemps-été 2024, d’Agnès Martin, de la jupe de Charlotte chinée dans une friperie à Tokyo, la couette à motifs xoxo de Philip.
(2) extrait de l’entretien entre Anne Bourse et Pascaline Morincôme, publié dans H-Clubbing with Jean-Luc, Même pas l’hiver, 2024.
(3) Clarisse Lispector, Agua Viva, des femmes, 1973, p 121
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