Audrey Gair, Yasuaki Hamada, Wolfgang Matuschek — curated by Ernst Yohji Jaeger
Dreaming Organs5 rue de Beaune, Paris
Some time ago I had a studio in an old building on a factory site. On the way through the main gate to my workplace, I pass masses of huge black hoses. Through some of the open gates of the factory, I can see inside the large brick halls; mountains of stored hoses piled up, machines and people are working diligently. Two huge chimneys smoke nonstop and the factory produces day and night. I don’t know what this factory actually produces. I like this building and the semi-industrial periphery in which it is located. Especially the walks home after a long day of work through the factory grounds at night. At nighttime, they are almost festively brightly lit but I never see any people, just occasionally a dirty cat that roams between the black hoses. In the dark, they look like big intestines. The machines work and the towers smoke. But the machines seem to be more relaxed and the steam now is tainted in pink by the red warning lights of the factory. It seems to me as if the factory shows an intimate side at night and I feel as if the cat, the machines and I now share a secret.
The eyes provide living organisms with vision and the ability to receive and process visual detail. But it is only for brevity’s sake that we say we “see” at once a railway station at night. (1) The eye is an organ which hears and smells, which transmits heat and cold, which is attached to the brain and rouses the mind to discriminate and speculate. (2)
We say that something is strange when it defies reason, when we can’t find an explanation satisfying enough to stop wondering what it is. (3) Our very existence shelters mystery in the dull common place things we do all the time. When you repeat the same word more than 20 times, saying it out loud, you feel less and less that you actually know what it means. It’s also a question of how you perceive the world and the real on an every-day basis. The vividness inherent in the objects of our daily routines unfolds by de-familiarizing them.
Ernst Yohji Jaeger & Inga Charlotte Thiele
(1.) Virginia Woolf, The Sun and the Fish, Damocle Edizioni, Venice, 2017, p. 8.
(2.) ibd.
(3.) J.F. Martel, “Reality is Analog, Philosophizing with Stranger Things” dans Metapsychosis, September 27, 2016 available on https://www.metapsychosis.com
Il y a quelques années, mon atelier se trouvait dans un vieux bâtiment entouré d’usines. Pour accéder à la porte principale du lieu où je travaille, je passe devant des énormes tuyaux noirs. En regardant par certaines portes de l’usine restées ouvertes, je vois les grands halls en briques ; des montagnes de tuyaux empilés les uns sur les autres, les machines et les gens qui travaillent assidûment. Deux énormes cheminées fument en permanence et l’usine maintient sa production jour et nuit. Je ne sais même pas ce que cette usine fabrique. J’aime ce bâtiment et sa banlieue semi-industrielle. Surtout quand je rentre à pied après une longue journée de travail en traversant ce grand terrain. La nuit, il est éclairé comme un stade accueillant un événement mais je ne vois jamais personne, sauf parfois un chat sale qui erre entre les tuyaux. Dans le noir, on dirait des gros intestins. Les machines travaillent et les tours fument. Mais les machines ont l’air plus calmes et la vapeur est devenue rose, à cause des voyants lumineux rouges de l’usine. J’ai l’impression que la nuit, l’usine dévoile son côté intime et c’est comme si le chat, les machines et moi, on partageait un secret.
Les yeux fournissent aux organismes vivants la vision et la capacité de recevoir et de traiter les détails visuels. Mais ce n’est que par souci de concision que nous disons que nous « voyons » d’emblée une gare la nuit. (1) L’œil est un organe qui entend et qui sent, qui transmet le chaud et le froid, qui est relié au cerveau et qui incite l’esprit à discriminer et à spéculer. (2)
On dit d’une chose qu’elle est étrange quand elle défie la raison, quand on ne peut pas trouver une explication suffisamment satisfaisante pour arrêter de se poser des questions. (3) Même dans les choses les plus ordinaires que nous faisons au quotidien, il y a du mystère. Quand on répète 20 fois le même mot, et qu’on le dit à haute voix, on a l’impression de moins en moins savoir ce qu’il signifie. C’est aussi une question de perception du monde et de la réalité. C’est quand on dé-familiarise les objets que leur vitalité se révèle.
Ernst Yohji Jaeger & Inga Charlotte Thiele
(1.) Virginia Woolf, The Sun and the Fish, Damocle Edizioni, Venice, 2017, p. 8.
(2.) ibd.
(3.) J.F. Martel, “Reality is Analog, Philosophizing with Stranger Things” dans Metapsychosis, 27 septembre 2016, disponible sur https://www.metapsychosis.com
Hamada Yasuaki’s (born in 1988 in Japan, lives and works in Vienna) series of sculptures, titled Neighbours, is reminiscent of the Sylvanian family dollhouses made by the Japanese company Epoch. These toys, built in the shape of idyllic Victorian houses, are inhabited by cute anthropomorphized rodents which emulate a rural middle-class life set in North America. Hamada’s houses, however, are inspired by Neo-Gothic architecture and the interior is sparsely furnished and uninhabited. The trolley handle and wheels, which are attached to the houses, give them a fictional functionality and make them seem, like a surreal readymade suspended between toy and commodity. Amongst other topics, Hamada wittily touches a variety of subjects through an aesthetic that stems from Japanese culture mimicking Western styles, creating new and curious genres. In Japan, clusters of row houses are constructed in an American/Victorian fashion. They seem to be made of wood or brick, but on closer inspection they turn out to be made of plastic. This architecture embodies the image of an ideal family but the faux material and copy-pastedness of these structures create a rather eerie and unsettling atmosphere. Hamada’s transportable miniature homes speak of dislocation, comfort and the burden that comes along with every home, be it the childhood or family home, or the home one moves to, tries to settle in and make in companionship.
La série de sculptures d’Hamada Yasuaki (né en 1988 au Japon), intitulée Neighbours, évoque les maisons de poupées des «Sylvanian family», fabriquées par l’entreprise japonaise Epoch. Ces jouets, conçus comme des maisons victoriennes idéalisées, abritent de mignons rongeurs anthropomorphisés, reproduisant les coutumes de la classe moyenne rurale américaine. Les maisons de Hamada sont cependant inspirées de l’architecture néo-gothique et l’intérieur n’est ni meublé ni habité. La poignée et les roues qui y sont attachés leur attribuent une fonctionnalité fictive et les fait apparaître comme des readymade surréalistes, suspendus entre jouet et marchandise. Entre autres sujets, Hamada aborde avec humour une esthétique d’imitation des styles Occidentaux, issue de la culture japonaise, qui produit de curieux nouveaux genres. Au Japon, on trouve des rangées de maison construites à la mode victorienne de certaines villes américaines. Elles semblent être faites de bois ou de brique, mais à y regarder de plus près, elles s’avèrent être en plastique. Cette architecture incarne l’image d’une famille idéale mais le faux matériau et l’aspect copié-collé de ces structures créent une atmosphère plutôt étrange et inquiétante. Les maisons miniatures transportables de Hamada parlent de dislocation, de confort et du tourment inhérent associé à l’idée de la maison, qu’il s’agisse de la maison d’enfance ou de la maison de famille, de la maison où on aménage, où on s’installe en essayant de se faire des amis.
The eyes provide living organisms with vision and the ability to receive and process visual detail. But it is only for brevity’s sake that we say we “see” at once a railway station at night.
Les yeux fournissent aux organismes vivants la vision et la capacité de recevoir et de traiter les détails visuels. Mais ce n’est que par souci de concision que nous disons que nous « voyons » d’emblée une gare la nuit.
Virginia Woolf, The Sun and the Fish, Damocle Edizioni, Venice, 2017, p. 8.
In Audrey Gair’s (born in 1992 in USA, lives and works in NYC) paintings colorful circles and geometric shapes condense into the New York city skyline, interiors and landscapes. Her everyday surroundings in the city are rendered and animated by the dots in different shapes and sizes. On her routes through the city, she collects words, impressions as well as objects such as stickers, hair clips or toys that cross her way, making them part of the paintings’ vocabulary. A mischievous game of hide and seek takes place and we, the viewers, are invited to participate in reveling in and succumbing to our bittersweet childhood recollections. Audrey’s paintings function as a theatrical stage for fragmentary narratives about individual and shared memory, the personal attachment to an oftentimes impersonal urban environment, and a dream-like, almost magical view on dwelling in and moving through a city’s infrastructure.
Dans les peintures d’Audrey Gair (née en 1992 aux Etats-Unis, vit et travaille à New York), des formes géométriques et des cercles colorés se condensent dans un New York composé de gratte-ciels, d’intérieurs et de paysages. L’atmosphère qu’elle saisit de la ville se traduit et s’anime grâce à des points de différentes tailles et de différentes formes. Au cours de ses trajets dans la ville, elle recueille des mots et des impressions, aussi bien que des objets - comme des autocollants, des pinces à cheveux ou des jouets - qu’elle intègre à son vocabulaire pictural. Dans un jeu espiègle de cache-cache, le spectateur est invité à succomber à des souvenirs d’enfance doux-amers. Les peintures d’Audrey Gair fonctionnent comme une scène de théâtre traversée par des récits fragmentaires sur la mémoire individuelle et collective, l’attachement personnel à un environnement urbain souvent impersonnel, et une vision onirique, presque magique, de la façon dont on habite une ville.
We say that something is strange when it defies reason, when we can’t find an explanation satisfying enough to stop wondering what it is.
On dit d’une chose qu’elle est étrange quand elle défie la raison, quand on ne peut pas trouver une explication suffisamment satisfaisante pour arrêter de se poser des questions.
J.F. Martel, “Reality is Analog, Philosophizing with Stranger Things” dans Metapsychosis, September 27, 2016.
Wolfgang Matuschek’s (born in 1989 in Austria, lives and works in Vienna) ink drawings depict nocturnal scenes, which seem to be witnessed casually, from the corner of the eye. There is no direct action taking place in the deserted, almost motionless environments that show industrial zones, construction sites, or unidentifiable city streets. The series in orange tones shows indoor scenes as if seen through a thicket, while the images drawn in purple ink are set outdoors. They share a quiet, intangible surrealism or supernaturalism. In contrast to the casualness of the scenes, the works are meticulously drawn, revealing highly sensitive compositions upon closer inspection. They tell stories about human-made worlds, technologies and infrastructures that have been left behind, as if all people disappeared without turning off the stove. The chimneys are still steaming but the dreamlike animals appearing in the otherwise empty architectures seem to be the only living beings that remain and possibly belong to these enigmatic non-places. Looking at the vacant sceneries, one might also wonder about possible activities taking place ‘next to’ the images presented to us: the drawings’ cartoony style points to a possible storyline being told but kept in secret from us.
Les dessins à l’encre de Wolfgang Matuschek (né en 1989 en Autriche, vit et travaille à Vienne) dépeignent des scènes nocturnes qui semblent être observées avec désinvolture, du coin de l’oeil. Aucune action précise ne se déroule dans ces environnements désertés, presque immobiles, figurant des zones industrielles, des sites en construction, ou des rues de villes non identifiables. La série de dessins orange représente des scènes d’intérieur vues à travers ce qui peut évoquer un buisson, tandis que les images dessinées à l’encre violette sont toujours des scènes d’extérieur. Ils évoquent tous un surréalisme ou peut-être un sur-naturalisme silencieux, presque intangible. En contraste avec le caractère ordinaire des scènes, le dessin est extrêmement méticuleux et révèle des compositions d’une sensibilité extrême. Les oeuvres convoquent les mondes fabriqués par les hommes, les technologies et les infrastructures qu’on a laissés derrière nous, comme si les gens avaient quitté leur cuisine sans avoir éteint le gaz. Les cheminées fument toujours mais les animaux oniriques peuplant ces architectures vides semblent être les seuls êtres vivants toujours là, et pouvant appartenir à ces non-lieux énigmatiques. En contemplant ces paysages vides, on peut aussi imaginer qu’il se déroule une véritable action juste à côté des images qui nous sont présentée, le style proche de celui de la bande dessinée nous mettant ainsi sur la piste d’une intrigue existante mais que l’on préfère nous garder secrète.
PARIS — Cascades
9 rue des Cascades
75 020 Paris – France
from Tue. - Fri.
10 a.m. to 6 p.m.
on Sat. 11 a.m. to 7 p.m.
and by appointment
PARIS — Beaune
5 & 7 rue de Beaune
75 007 Paris – France
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