Naoki Sutter-Shudo

Le sol l'humeur le ciel les murs
5 & 7 rue de Beaune, Paris

X

Art always has something to do with ideas of time and space. In his essay on Laocoön, Lessing affirms that sculpture has to do with the deployment of bodies in space whereas poetry/literature depicts actions in time. Time-based art Versus space-based art. Passing time Versus stopped time. Movement Versus Stillness.

Lessing says something very beautiful: that the distress we feel when looking at the pain expressed in Laocoön’s face is transformed into pity because it’s beautiful. That’s kind of what sublime means.
But as for the question of space and time, his summary is too oppositional… especially given that Laocoön, to take this sculptural masterpiece as an example, is… how should I put it? That sculpture is what it is because time took away some of its parts. This is the main idea in Marguerite Yourcenar’s book That Mighty Sculptor, Time. It’s fascinating: how time improves or transforms a work of art. Mostly because sculpture is physical, it is in space and takes up room. But it is also in time. All of the materials in that make up its composition record the time that passes.
All the materials that make it up will register the time that goes by. Then we can also consider the time spent making these sculptures, with this idea that they resist time, they need time to be born, requiring a long gestational period.


How does this manifest in your work? Do you voluntarily give yourself certain constraints?

The steps I take are sometimes laborious: layers and layers of undercoat, using materials that are quite old, or a little toxic as well, materials we don’t really use any more, and are therefore more resistant.
To put things in very concrete terms, often, in order to get a finish that I find acceptable, I need to do either eight or nine coats, which includes sanding time, drying time, adjustments. These constraints that I create for myself are not rational. Time becomes a kind of vital energy. There is something superstitious about it, it functions like a belief: you spend time, you use toxic products, they take away your vital energy and you transfer this into a non-living form that you, in turn, animate, in the sense of anima, spirit or mind. Animism. When I work, I think a lot about devotion, about a kind of motivation that maybe surpasses a solely human scale.


Your sculptures reference particular, meticulous objects, which seem to have a functionality that we can’t quite grasp, a hidden meaning….

All objects have a function in some kind of dimension. But we don’t necessarily understand which. For example, I collect and buy objects in second-hand markets and yard sales in Japan and California. Sometimes I find tools whose function no one can explain to me. It’s as though they were objects from a foreign culture that we don’t have access to, or an ancient civilisation that’s now lost.
They’re like forgotten words. On every page of a Huysman novel, I encounter words that have disappeared. I think that sculpture, for me, is actually the most direct way of giving something presence, animating what is inanimate, fabricating something that makes you move around in space, recording more than the material, but the time as well. It’s about making things exist. That’s what we have. And then, poetry, language, also, that’s all we’ve got. Les mots et les choses.
In everyday life, it is possible to experience miraculous moments or visions, revelatory forms that reveal possibilities, beauty, already there or emerging. Then one tries to materialise these moments or make new ones. That’s what the work is.




Translated by Aodhan Madden

L’art a toujours à voir avec les notions de temps et d’espace. Dans son essai sur le Laocoon, Lessing affirme que la sculpture a à voir avec le déploiement des corps dans l’espace tandis que la poésie/littérature dépeint des actions dans le temps. Art du temps Versus art de l’espace. Temps qui passe Versus temps arrêté. Mouvement Versus Immobilité.

Lessing dit une chose très belle : que la détresse à la vue de la douleur sur le visage de Laocoon est transformée en pitié grâce à la beauté. C’est un peu ça qui est sublime. Mais la question de l’espace et du temps, elle est résumée de façon un peu trop confrontationnelle chez lui… D’autant plus que Laocoon, pour prendre un exemple d’un chef-d’œuvre de la sculpture, c’est… Comment dire ? Cette sculpture, elle est ce qu’elle est parce que le temps lui a enlevé des parties. C’est la grande idée de Marguerite Yourcenar dans son livre, Le Temps, ce grand sculpteur. Ça, c’est fascinant : comment le temps améliore ou transforme une œuvre d’art. Surtout la sculpture qui est vraiment quelque chose de physique, qui est dans l’espace et qui prend de la place. Mais elle est dans le temps aussi.
Tous ces matériaux qui la composent vont enregistrer tout le temps qu’ils passent.
Puis il y a aussi le temps passé à faire ces sculptures, avec cette idée que pour qu’elles résistent au temps, elles ont besoin de temps pour naître, un temps de gestation important.


Comment cela se manifeste dans ton travail? Tu te crées des contraintes volontaires ?

Ce sont des étapes parfois laborieuses, des couches et des couches d’apprêt, des matériaux un peu anciens, un peu toxiques, aussi, qu’on n’utilise plus trop, parce qu’ainsi, cela résiste mieux.
De façon très concrète, souvent, pour avoir une finition qui me convient, il faut que je fasse huit, neuf couches, des temps de ponçage, de séchage, d’ajustement. Ces contraintes que je me crée ne sont pas rationnelles. Le temps devient une sorte d’énergie vitale. Il y a quelque chose de l’ordre de la superstition, de la croyance : tu passes du temps, tu utilises des produits toxiques, qui t’enlèvent de l’énergie vitale et tu la transfères dans une forme qui n’est pas vivante, mais que tu animes, dans le sens de anima, esprit. Animisme. Au travail je pense beaucoup à l’idée d’une dévotion, d’une motivation qui dépasse peut-être une échelle uniquement humaine.


Tes sculptures font référence à des objets précis, détaillés, qui auraient une fonctionnalité qui nous échappe, un sens caché…

Tous les objets ont une fonction dans une certaine dimension. Mais on ne la connait pas forcément. Par exemple, je collectionne, j’achète des objets dans les brocantes. Parfois, je trouve des outils dont personne ne sait plus me dire à quoi ils ont pu servir, au Japon, en Californie. Comme des objets d’une culture étrangère à laquelle on n’a pas accès, ou une culture ancienne disparue. C’est comme les mots oubliés. Dans chaque page d’un Huysmans je rencontre des mots disparus. En fait, la sculpture, c’est peut-être pour moi la façon la plus directe de donner une présence, d’animer ce qui est inanimé, de fabriquer une présence qui te fait bouger dans l’espace, mais qui enregistre plus que de la matière, donc du temps aussi. C’est faire exister des choses. C’est ce qu’on a.
Et puis la poésie, le langage, en vrai c’est tout ce qu’on a, aussi. Les mots et les choses.
Au quotidien il existe bien des moments vécus comme des miracles ou des visions, de formes révélatrices, révélatrices de possibilités, de beauté, déjà actuelle ou à venir. Puis ensuite on essaie de rendre ces moments ou d’en faire des nouveaux. C’est le travail, ça.

EN : — Art always has something to do with ideas of time and space. In his essay on Laocoön, Lessing affirms that sculpture has to do with the deployment of bodies in space whereas poetry/literature depicts actions in time. Time-based art Versus space-based art. Passing time Versus stopped time. Movement Ver...
FR: — L’art a toujours à voir avec les notions de temps et d’espace. Dans son essai sur le Laocoon, Lessing affirme que la sculpture a à voir avec le déploiement des corps dans l’espace tandis que la poésie/littérature dépeint des actions dans le temps. Art du temps Versu...
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Exhibition view, Le sol l’humeur le ciel les murs, 2025, Crèvecœur, Paris. Courtesy of the artist and Crèvecœur, Paris.

Naoki Sutter-Shudo, Ambacteur, 2025 casein paint on wood, stainless steel, bakelite, wheel 176 cm × 8 cm × 85 cm (variable dimensions)

Naoki Sutter-Shudo, Ambacteur, 2025, detail.

Exhibition view, Le sol l’humeur le ciel les murs, 2025, Crèvecœur, Paris. Courtesy of the artist and Crèvecœur, Paris.

Naoki Sutter-Shudo, Pancard, 2020-2025, enamel and various paints on wood, stainless steel, aluminum, 182.4 × 57.2 × 17 cm

Naoki Sutter-Shudo, Pancard 2025, detail.

Exhibition view, Le sol l’humeur le ciel les murs, 2025, Crèvecœur, Paris. Courtesy of the artist and Crèvecœur, Paris.

Naoki Sutter-Shudo, not yet titled, 2025, enamel and casein paint on wood, stainless steel, plastic, rubber, 158 × 21.5 × 22.5 cm

Naoki Sutter-Shudo, not yet titled, 2025, detail.

Exhibition view, Le sol l’humeur le ciel les murs, 2025, Crèvecœur, Paris. Courtesy of the artist and Crèvecœur, Paris.

Naoki Sutter-Shudo, not yet titled, 2025, enamel on wood, stainless steel, aluminum, mother of pearl, plastic, 50 × 37 × 74 cm

Naoki Sutter-Shudo, not yet titled, 2025, detail

Exhibition view, Le sol l’humeur le ciel les murs, 2025, Crèvecœur, Paris. Courtesy of the artist and Crèvecœur, Paris.

Naoki Sutter-Shudo, not yet titled, 2025, enamel on wood, stainless steel, plastic 43.5 × 51.5 × 43.5 cm (open) / 43.5 × 13.8 × 43.5 cm (closed)

Naoki Sutter-Shudo, not yet titled, 2025, detail

Exhibition view, Le sol l’humeur le ciel les murs, 2025, Crèvecœur, Paris. Courtesy of the artist and Crèvecœur, Paris

Naoki Sutter-Shudo, not yet titled, 2025, enamel on wood, stainless steel, plastic 43.5 × 51.5 × 43.5 cm (open) / 43.5 × 13.8 × 43.5 cm (closed)

Naoki Sutter-Shudo, not yet titled, 2025, detail

Exhibition view, Le sol l’humeur le ciel les murs, 2025, Crèvecœur, Paris. Courtesy of the artist and Crèvecœur, Paris

Naoki Sutter-Shudo, not yet titled, 2025, enamel on wood, brass, bakelite, rubber, 180 × 13 × 18.7 cm

Naoki Sutter-Shudo, not yet titled, 2025, detail

Naoki Sutter-Shudo, not yet titled, 2025, detail

Exhibition view, Le sol l’humeur le ciel les murs, 2025, Crèvecœur, Paris. Courtesy of the artist and Crèvecœur, Paris.

Exhibition view, Le sol l’humeur le ciel les murs, 2025, Crèvecœur, Paris. Courtesy of the artist and Crèvecœur, Paris.

Naoki Sutter-Shudo, not yet titled, 2025, detail

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Naoki Sutter-Shudo, S…aire, 2025, enamel on wood, various paints, stainless steel, mammoth ivory, 41.5 × 43.6 × 27 cm

Naoki Sutter-Shudo, S…aire, 2025, detail.

Naoki Sutter-Shudo, S…aire, 2025, detail.

Naoki Sutter-Shudo, S…aire, 2025, detail.

Exhibition view, Le sol l’humeur le ciel les murs, 2025, Crèvecœur, Paris. Courtesy of the artist and Crèvecœur, Paris.

Naoki Sutter-Shudo, La Croix du Sud, 2025, enamel and casein paint on wood, stainless steel, steel, bakelite, rubber, nylon, 124 × 55 × 7.5 cm

Naoki Sutter-Shudo, La Croix du Sud, 2025, detail.

Naoki Sutter-Shudo, La Croix du Sud, 2025, detail.

Exhibition view, Le sol l’humeur le ciel les murs, 2025, Crèvecœur, Paris. Courtesy of the artist and Crèvecœur, Paris.