On semble observer dans cette nouvelle série de peintures la recherche d’une synthèse de vos différentes périodes, en particulier des séries ExFuturo, Bleaches, Stripes. Comme si vous emmagasiniez progressivement l’énergie des productions précédentes. Comment cette série est-elle arrivée ?
On a voulu dès le départ faire des peintures très aériennes, vaporeuses avec des tonalités évoquant les lumières des transcendantalistes américains. The Descent, le titre de cet ensemble, évoque un mouvement vertical, avec parfois un escalier esquissé entre deux toiles.
Dans cette série, il y a certainement des réminiscences de séries antérieures, mais avec un langage plus précis qu’auparavant. Les compositions adviennent par déclinaisons de deux ou trois mouvements symétriques, la dynamique couleurs / lumière faisant apparaitre des volumes, des rythmes. Ça devient musical, les peintures pourraient d’ailleurs être des stills tirés de nos vidéos.
Cette cristallisation des différentes périodes de votre travail (tant dans les matériaux que dans les enjeux) s’effectue-t-elle plutôt par empilement, par accumulation quasi involontaire ou procède-t-elle d’une sélection consciente ?
Notre travail est plutôt cyclique dans son ensemble, on entreprend une nouvelle série pour changer de direction par rapport à la précédente, et il arrive alors que l’on se penche à nouveau sur des toiles plus anciennes, pour les approfondir, les aiguiser. Après plusieurs années tournés vers une peinture matiériste obèse, nous sommes revenus à la géométrie vaporeuse comme à l’époque d’Ex Futuro. Mais à la place de la peinture en bombe (industrielle et sale), on opte pour l’aquarelle en spray (lumineuse et pure). Et bien qu’il s’agisse d’aquarelle, il est toujours question de faire une peinture de l’excès à la limite de l’écœurement. Dans The Descent, les dégradés de couleurs vacillent entre les teintes crépusculaires de Georgia O’Keeffe et des paysages SF à l’aérographe.
Dans les peintures de cette nouvelle série, vous utilisez une toile de jute, brute, impure dans sa texture et une peinture aquarelle travaillée en spray. On perçoit des tensions contradictoires entre les différents éléments : cherchez-vous une forme d’affrontement ou de fusion ?
Le tissage irrégulier et velu de la toile de jute est là pour faire grésiller la pureté de l’aquarelle vaporisée, elle lui donne une sensualité rêche. C’est doux et râpeux à la fois.
Vous avez, dans l’ensemble de votre production, cherché à manipuler la lumière : quelle est la part du visible et de l’invisible dans ces différentes expériences ? Quelle interprétation en faites-vous sur la définition de votre peinture ?
La lumière est l’élément central de notre peinture, on pourrait d’ailleurs dire que nos différentes séries sont des portraits dont le seul sujet est la lumière.
Ce qui est intéressant avec la lumière, c’est l’ambivalence qui la fait balancer du sacré au matériel, de l’ésotérique au technologique… Nos peintures jouent excessivement de cette ambivalence, la lumière y apparaît en regard d’un élément rugueux. Dans cette nouvelle série à l’aquarelle, la source de lumière vient de ce qui n’est pas peint, l’éclat qui irradie les sommets en arcs-en-ciel cubistes vient donc du blanc brut de la toile de jute.