Jorge Pedro Nuñez, pour sa quatrième exposition à la galerie Crèvecoeur, convoque plusieurs champs de recherche récurrents dans son travail : l’illusion optique, les théories et problèmes physiques liés au fonctionnement de l’univers (espace-temps), la culture pop, ou la construction de structures à partir d’objets préexistants.
Le point de départ de cette exposition se situe dans un défi à la gravité. En 1993, Michael Jackson, pop-star planétaire, décide de breveter les «Anti-Gravity Illusion Shoes», accessoires lui ayant permis de réaliser l’un de ses mouvements chorégraphiques les plus connus, apparu pour la première fois en 1987 dans le clip de «Smooth Criminal», permettant une illusion de chute contrôlée. En retrouvant les dessins des chaussures, désormais accessibles à tous en ligne, Jorge Pedro Nuñez s’est appliqué à déconstruire, jusqu’ à les rendre quasi-spectrales, les mouvements qu’il détaillait, comme s’il s’agissait d’un réel procédé scientifique.
La question de l’illusion physique est transcrite dans la nouvelle série de sculptures présentées dans l’exposition, toutes composées par des assemblages géométriques d’objets récupérés et de plâtre. Comme s’il avait la possibilité de déconstruire la matière physique comme les différents traits d’un schéma, mais aussi la précision de l’art cinétique, l’artiste étire, tord et désassemble les lignes géométriques d’objets usuels (matelas, raquettes, sèche-linges) afin de produire une nouvelle direction. Il y applique un matériau associé à la fois à la construction et à l’histoire de la sculpture, le plâtre. Qui permet de figer ici toute velleité gravitationnelle.
En orbitant entre l’illusion physique et médiatique, entre procédé scientifique et culture pop, entre rigueur géométrique et façon expressioniste, Jorge Pedro Nuñez poursuit son travail de décodage et de dé-codification des formes esthétiques.
« Nous vivons dans un monde peuplé de structures - mélange complexe de constructions géologiques, biologiques, sociales et linguistiques qui ne sont rien de moins que des accumulations de matériaux formés et solidifiés par l’histoire. Immergés jusqu’au coup dans ce mélange, on ne peut pas s’empêcher d’interagir de plusieurs façons différentes avec les autres constructions sociales qui nous entourent. Avec ces interactions, nous générons de nouvelles combinaisons, parmi lesquelles certaines possèdent des propriétés émergentes. A leur tour, ces combinaisons synergiques, qu’elles soient d’origine humaine ou non, deviennent le matériau brut permettant de futurs mélanges. »
Manuel De Landa, A Thousand Years of Non Linear History, «Lavas and Magmas»