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Ad Minoliti

Play Home, Crèvecœur, Paris

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C. C’est ta première exposition personnelle à Paris. Les liens que tu entretiens avec l’histoire de la peinture sont très importants. Est-ce que tu as travaillé sur cette exposition en ayant en tête l’histoire de la peinture française en particulier? Quand on pense à la peinture française, on pense surtout à des hommes, n’est-ce pas?

AD. Je pensais à représenter des scènes intérieures avec un air d’impressionnisme, un peu comme une satire. C’est une idée que j’avais depuis longtemps, c’est donc devenu l’occasion rêvée. J’ai commencé à lire des textes sur les peintres impressionnistes femmes comme Berthe Morisot, Eva Gonzalès, Mary Cassatt ou Marie de Bracquemont. Elles étaient toutes extraordinaires, j’ai été très marquée par leurs idées, par la relation qui se jouait chez elles entre la sphère domestique et les usages de l’amour. D’un point de vue officiel, l’impressionnisme c’est la lumière, c’est sortir de l’atelier pour aller chercher la lumière, mais aussi pour aller, la nuit, dans les bars, les théâtres, les cabarets. C’est incroyable de voir à quel point les femmes artistes développent une histoire alternative parce qu’elles n’avaient pas le luxe de peindre ces excès. Dans les portraits intimes de Mary Cassatt, dans l’interaction des personnages entre eux, il y a quelque chose de différent de ses homologues masculins. Elle peint la maternité alors qu’elle n’a pas eu d’enfants, c’est pour moi une affirmation féministe. Il y a dans cette herstory(1) de l’art une dimension féministe qui peut se voir comme un trésor caché.

C. Tu dis parfois que la peinture a été changée pour toujours par Internet, que tu travailles dans un concept global : comment la peinture peut exister sur des impressions, des habits, des vidéos, des gifs et des installations? Comment cette pensée se déploie dans cette exposition?

AD. Ce qui m’intéresse c’est la façon dont Internet facilite un réseau de références et de croisement d’informations, et si l’on pense en langage pictural, c’est un outil, un catalyseur incroyable qui peut reconfigurer l’histoire de l’art. Non pas selon l’idée moderniste où l’avant-garde progresse grâce à de grands chefs d’œuvres répertoriés par régions. On peut peindre au contraire comme les tissus subjectifs de couches de signification et de reproduction constante. C’est un fluide massif qui habite la peinture au-delà des axes hégémoniques du marché ou de l’univers académique.
Dans mes installations, je conçois des peintures comme un corps libéré de toutes entraves, et je cherche une nouvelle relation avec l’objet et avec l’image. Je ne pense pas que l’œuvre s’arrête aux limites de la toile, j’aime décorer et repenser la galerie comme la métaphore de quelque chose qui va au-delà du white cube : cela devient une maison avec un lit, un endroit pour manger… Ce sont des expériences visuelles : et si une peinture, au lieu d’être entourée d’un mur blanc, est enlacée par un ours en peluche, est-ce que la géométrie devient tendre? Comment l’humour affecte les images, comment il peut les distinguer de l’histoire de l’art pour les inscrire dans la critique, ou juste dans un jeu, ou dans un jeu qui devient une critique? Je suis nourrie de questions mais ce n’est pas la réponse qui compte, c’est la fabrication et la transformation des images en mécanismes d’interprétations des questionnements.

C. Play Home, cela évoque l’idée de l’intérieur, du domicile, du foyer, un thème que tu explores depuis longtemps, qui a longtemps été exclusivement associé à l’histoire de la sphère féminine. Quelles sont les implications de ce titre dans l’évolution de ton travail en général, et dans l’espace de la galerie en particulier?

AD. Après avoir lu Pornotopia de Paul B. Preciado, j’ai commencé à utiliser le mot Play dans la plupart de mes expositions. J’aime dans son analyse la façon dont l’usager de Playboy redéfinit l’espace domestique pour les hommes contemporains, citadins et célibataires. La cage féminine a été transformée en zone protégée pour le plaisir de l’homme et sa sexualité «libre». Le même espace est complètement différent en fonction de l’usager ou de la façon dont les choses s’y jouent. Et si l’usager n’est plus ni une femme, ni un homme, ni même… un humain? De la même manière, que devient le design quand les frontières entre les sujets et les objets, les animaux et les humains, les éléments organiques et les machines ne sont plus distincts, comme dans la réflexion de Donna Haraway quand elle décrit les cyborgs? Pour moi, la géométrie c’est le meilleur outil pour représenter et explorer une utopie trans-humaniste, à l’intérieur de laquelle les recherches sur le genre peuvent être appliquées au langage pictural. Mais aussi pour trouver de nouvelles voies d’expérimentation du système des images et simultanément, de repenser le monde dans lequel on vit.

C. L’univers enfantin est important dans ton travail, et pour la première fois, tu présentes dans l’exposition un personnage de manga (Doraemon) et des ours en peluche qui portent des peintures. Qu’est-ce que cela évoque?

AD. Dorameon est un chat-robot qui arrive du XXIIè siècle. Ce qui m’intéresse c’est cette synthèse d’idées : robotique, animal, magique, science-fictionnelle, mais du point de vue d’un enfant. Les ours ont plus à voir avec des déclarations d’amour, avec une idée de la douceur. Ces éléments s’insèrent alors dans une reformulation de la géométrie féminine et inhabituelle.

  1. Le mot herstory désigne une manière d’écrire l’histoire selon un point de vue féministe. Le terme est un jeu de mot en anglais, intraduisible en français, construit à partir de her, possessif féminin anglais qui s’oppose à his, possessif masculin, et le nom history qui signifie histoire.



C. This is your first solo show in Paris. The links that you have with the history of painting are fundamental in your practice. Did you work on this show having in mind the history of French painting in particular? When we think of French painting, we predominantly think of men, right?

AD. I was thinking in representing interior scenes with an air of impressionism, more like a satire. It was an idea I had for a long time and this was the perfect occasion. Then I was reading about female impressionist painters like Berthe Morisot, Eva Gonzalès, Mary Cassatt or Marie de Bracquemont. They are amazing, I felt really moved by their ideas, the relation with the domestic and love customs: Mary Cassatt and her intimate portrayals of the human figures and their interactions were markedly different from her male counterparts, she paints about maternity even though she has no kids, that is a feminist statement for me. Officially, impresionism is about light, going out, to get the light, but also about night-life, bars, theaters and cabarets, it is amazing to see how these women artists develop an alternative story because they were not able to go outside alone to paint excess and luxury.
There is a feminist dimension in this type of art “herstory” like a hidden treasure.

C. You sometimes say that painting has been forever changed by the internet and that you look for a bigger concept of what painting can be by the way of prints, clothes, video, gifs and installations. How does this thinking unfold in this show?

AD. I am interested in how the internet facilitates a network of references and information crossing, which thinking in terms of pictorial language- is a tool, an incredible catalyst, to reconfigure the history of art not in the modernist idea of the avant-garde evolving by great masters divided by regions, but we can paint as subjective tissues of the layers of meaning and constant reproduction, a massive fluid that inhabit the painting beyond the hegemonic axes of market or academia.
In my installations, I conceive painting as a body free from any special contraints, and I seek another relationship with the object as with the image. I dont think the piece ends in the borders of the canvas, I like to decorate and rethink the gallery as metaphors of something beyond the white cube: it becomes now a house with a bed and a place to eat , these are visual experiments: what if the painting is not surrounded by the white wall but instead is hugged by a bear: is the geometry tender? How does humour affect the images and separate them from art history into a critique or just a game or a game that is critical? I’m full of questions but it’s never about the answer, it’s the making and the images that become mecanisms in a potential performance of questioning.

C. “Play Home” refers to interior, habitat, dwelling but also family. It is an issue that you have been working on for a long time. It is also an issue that has been for centuries the prerogative of the female sphere. What are the implications of this title in your work in general, and in the space of thegallery, in particular?

AD. After reading “Pornotopia” by Paul B Preciado, I started using «Play» in almost all my shows. I love his study and how the Playboy usership redefined the domestic space for the white modern single and urban men. So this female cage was transfromed then in a safe place for men’s pleasure and its “free” sexuality. The same place is completely different according to the user or how is played. So what if the user is not female o male …or even human? Also what happens with the design when the boundaries between subjects and objects, animal and humans, organic and machines, are indistinct like Donna Haraway describes cyborgs. That is why for me geometry is the best tool to represent and investigate a trans-human utopia, within which gender theories can be applied to the pictorial language and find new ways of experimenting with the visual world and rethink the way we live at the same time.

C. The child universe is important in your work, and for the first time, you present here a manga character (Doraemon) and puffed bears carrying paintings. What do they evoke?

AD. Doraemon is robotic cat, who travels back in time from the 22nd century. I’m interested in this mix of ideas: animal, robot, magic, sci-fi from a child point of view. The bears are related more to love declaration, but we can related all to cuteness. and this elements came together in reformulate feminist and weird geometry.

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home #3, 2017, acrylic on canvas, 145 × 104 cm © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home #4, 2017, acrylic on canvas, 145 × 104 cm © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Queer Deco #2, 2017, acrylic on canvas, 145 × 104 cm © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Queer Deco #3, 2017, acrylic on canvas, 145 × 104 cm © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole

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Ad Minoliti, Play Home, 2017, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Aurélien Mole