Cette exposition prend ses racines dans une réflexion autour de l’expression « survie du plus apte », qui est ce que le grand public retient des analyses de Darwin. A y regarder de plus près, on constate que Darwin n’a jamais écrit cette phrase (l’’expression vient de Herbert Spencer, qui donna naissance au darwinisme social), et que le raccourci qui en découle “seuls les plus forts survivent” en est une interprétation erronée et dangereuse. Darwin s’intéresse d’ailleurs très peu aux individus, mais beaucoup aux espèces, sur lesquelles il fonde son raisonnement. Il est le premier à concevoir que l’environnement influence l’évolution des espèces et des populations en faisant un travail de sélection des individus les plus adaptés afin de faire survivre l’espèce. Species, espèces, c’est le mot le plus fréquent relevé dans son ouvrage majeur : « On the Origins of Species ».
Si l’on s’interroge sur l’environnement actuel créé par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, on peut envisager la question de l’aptitude sel- on plusieurs enjeux différents, qui se parasitent les uns les autres, et qui changent si vite qu’une même génération d’individus semble aujourd’hui traverser plusieurs révolutions. Les œuvres présentées ici, bien qu’ancrées chacune dans leur univers narratif propre, soulèvent des questions sur l’influence de notre environnement technologique sur les individus d’une espèce et ces questions se déclinent dans des sphères aussi variées que la biologie, la linguistique, la sociologie, les questions de genre etc.
La question (impertinente) de la “survie du plus apte” peut également s’adresser, comme un clin d’œil, au devenir des pratiques artistiques à une époque où les méthodes et productions des artistes sont diffusées quasi en temps réel sur tous les écrans du monde.
Liz Craft (née en 1970, vit et travaille à Los Angeles) juxtapose, dans ses sculptures, des éléments du quotidien et les mythes américains, dans un registre situé quelque part entre mensonges et vérité.
Benedicte Gyldenstierne Sehested (née en 1977, vit et travaille à Berlin) explore, dans ses sculptures, photographies, et vidéos la représentation du corps humain dans différentes possibilités d’existence.
Judith Hopf (née en 1969, vit et travaille à Berlin) produit des films et sculptures visant à déconstruire les structures de pouvoir et d’autorité, et les codes de comportement, jusqu’à envisager une possession quasi démoniaque.
Renaud Jerez (né en 1982, vit et travaille à Berlin) produit des sculptures, des vidéos, des installations qui engagent des notions de consommation et de contamination ainsi que la matérialité de la réalité dans sa matérialisation technologique.
Ad Minoliti (née en 1980, vit et travaille à Buenos Aires), enquête, dans sa pratique picturale, sur les liens entre l’érotisme et la géométrie, avec un engagement particulier sur les conditions de genre.
Shana Moulton (née en 1976, vit et travaille à Oakhurst et Muenster) incarne dans ses performances, vidéos et collages Cynthia, son alter-ego se mouvant avec angoisse et émerveillement, dans des environnements contemporains autobiographiques, subconscient et fantasmatiques.
Les œuvres de David Rappeneau évoquent l’ennui nihiliste de la jeunesse européenne dans son passage à l’âge adulte, aux prises avec l’austérité de la culture contemporaine.
Liz Craft, Benedicte Gyldenstierne Sehested, Judith Hopf, Renaud Jerez, Ad Minoliti, Shana Moulton, David Rappeneau
Species, Crèvecœur, ParisThe reflexion that this show wishes to raise comes from what the general public usually reminds from Darwin’s theories: the survival of the strongest, of the fittest. Still, Darwin never exactly wrote this sentence (it is actually from Herbert Spencer who conceived Social Darwinism), and that the short version “only the strongest will survive” is untrue and even dangerous. Darwin really is not very interested in individuals, but rather in species. He is the first one to state that the own environment influences the evolution of species and populations by selecting the most adapted individuals in order to strengthen the species. Species is the word that is most used in Darwin’s famous book: On the Origin of Species.
The new information and communication technologies create an environment where the ques- tion of the “fittest” needs to be raised according to several and simultaneous point of views, which parasitize each other, and which evolve so fast that the same generation goes through several revolutions.
The show tends to investigate this reflection by associating works, which, even though immersed in a narrative field, question the influence of the technological environment on the individuals of a species, whether it deals with biology, linguistics, sociology, gender etc.
The so-called survival of the fittest works also as a metaphor for the future of artistic practices, in an era where contemporary art methods and productions are spread almost in real time all over the world’s screens.
Liz Craft (born in 1970, lives and works in Los Angeles) confronts, in her sculptural work, the ev- eryday with American fantastic energies and myths, thus initiating a discourse situated some- where between truth and lies.
Benedicte Gyldenstierne Sehested (born in 1977, lives and works in Berlin) explores, through her sculptures, photographs and videos the representation of the human body in different possibili- ties of existence.
Judith Hopf (born in 1969, lives and works in Berlin) produces films, sculptures and various col- laborative projects suggesting not so much a deconstruction of power structures, authority and behavioural codes as a demonic possession of them.
Renaud Jerez (born in 1982, lives and works in Berlin) produces sculptures, videos and installaltons which share a concern with notions of consumption and contamination as well as the materiality of technologically mediated reality.
Ad Minoliti (born in 1980, lives and works in Buenos Aires) enquires, through her painting and installation practice, the links between erotism and geometry, with a strong focus on the gender conditions.
Shana Moulton (born in 1976, lives and works in Oakhurst and Muenster), through performanc- es, videos, collages and multidimensional installations, positions herself in the role of Cynthia, an individual moving with worry and wonderment through environments designed from autobio- graphical experiences, subconscious associations, and fantasy.
David Rappeneau ‘s cartoon-like paintings invoke the nihilistic boredom of a European youth coming of age in contemporary austerity culture.