Dans Le ventre de l’architecte, de Peter Greenaway (1987), un personnage du nom de Stourley Kracklite, architecte américain, se rend à Rome avec sa femme Luisa pour organiser une grande exposition sur Etienne-Louis Boullée, architecte français du XVIIIème siècle, profondément inspiré par les Lumières et aujourd’hui reconnu en tant que théoricien et pédagogue très important, alors même qu’aucun de ses bâtiments n’a été érigé.
Stourley Kracklite, une fois à Rome, est de plus en plus préoccupé par l’architecture de Boullée mais aussi par d’insupportables maux de ventre (il suspecte sa femme de l’empoisonner). Il développe alors une obsession maladive quant à cette partie de son corps, ce qui l’amène à étudier obsessionnellement de nombreuses photographies : du ventre de sa femme enceinte, de l’empereur Hadrien et du sien. Malgré l’intense et sincère admiration de Kracklite, pour Boullée - qui va jusqu’à l’entretien d’une correspondance fictionnelle entre lui et l’architecte français -, l’immense projet d’exposition connaît un échec progressif. L’insuccès de Kracklite en tant que commissaire d’exposition fait écho, dans le film, à d’autres défaites : Kracklite échoue en tant qu’architecte analysant le travail d’un autre architecte, en tant que mari et en fin de compte en tant qu’homme.
Dans la 43ème carte postale à son ami (imaginaire) et confrère Boullée, Kracklite écrit «qu’il n’y a rien qui t’ait appartenu à exposer - ni table de travail, ni canne usée, ni médailles ou chapeau en soie - ni postiche ni certificat de mariage. Io m’a demandé hier si, pour l’exposition, nous t’inventions selon notre propre image. Je dois bien avouer que cela pourrait être vrai.»
Enlisé dans ses propres obsessions physiques et spirituelles, Kracklite regrette de ne pas pouvoir montrer d’affaires personnelles de l’architecte utopiste, qui permettraient de donner corps à celui-ci. Comme si montrer un chapeau en soie pouvait le sauver de son échec. Cette réflexion nous mène à une série de questions que cette exposition souhaite explorer. Quelle part de l’artiste est révélée par un fragment de son œuvre ? Quelle fraction de l’œuvre peut être considérée comme autobiographique ou intime ? Montrer une œuvre d’art contribue-t-il à fabriquer l’artiste ?