C’est dans une réflexion sur les changements technologiques de nos cinquante dernières années qu’il est intéressant de situer le travail de Jason Matthew Lee, artiste né en 1989, ayant grandi à une époque où Internet était déjà un outil connu de tous. En travaillant à la fois avec et contre la technologie, à mi-chemin entre la recherche documentaire et le journal intime, il met en place un récit, qui à la suite d’artistes comme Cady Noland, explore les promesses manquées de l’American Dream, en se concentrant sur un constat technologique. Il manipule les images et les données comme des outils picturaux traditionnels et cherche à provoquer une saturation visuelle et intellectuelle.
CELESTE est un fournisseur d’accès Internet pour les entreprises qui met en service un nouveau bâtiment de son datacenter baptisé «Marilyn».
A cette occasion, Nicolas Aubé, Président de l’opérateur, a invité Jason Matthew Lee à investir ce bâtiment technologique.
Jason Matthew Lee réalise, en collaboration avec la galerie Crèvecœur, une exposition totale, déployée sur les cinq niveaux du datacenter, qui répond à la fois au contexte architectural très spécifique, et à la fonctionnalité du lieu - visant à stocker en simultané les données numériques d’entreprises très différentes.
Il s’agit d’une collaboration tout à fait inédite ; l’entreprise ayant donné carte blanche totale à l’artiste.
L’artiste a construit un récit qui se découpe en cinq chapitres, faisant écho aux cinq étages, dans un mouvement ascendant qui s’oppose peut-être aux cercles de l’enfer, zones concentriques et circulaires imaginées par Dante au XVè siècle. Il reprend une partie de l’iconographie de la société CELESTE qu’il infiltre petit à petit dans ses propres créations, comme si la communication de l’entreprise avait été infectée par un virus inconnu ou qu’elle avait elle-même envahi d’autres réseaux par le biais de posters, peintures et installations vidéos.
Du premier niveau, où le spectateur se retrouve dans une salle où deux téléphones publics piratés côtoient une vidéo institutionnelle déjà contaminée, jusqu’au dernier niveau où une installation composée de vieux téléviseurs diffuse une vidéo dans laquelle Marylin Monroe semble avoir rejoint les mondes imaginaires d’un jeu vidéo, le spectateur aura trouvé en chemin, tout en se rapprochant d’une musique de plus en plus assourdissante, une guitare électrique peinte, aux cordes désossées, représentant une Marylin dont la moitié du visage devient un squelette, une série d’affiches accrochées à des tourets et palettes, une installation constituée exclusivement de fibre optique.
Dans ce contexte de collaboration exceptionnelle entre l’art contemporain et l’industrie numérique de notre siècle, l’artiste, qui vise à construire et déconstruire les mythes de notre civilisation contemporaine en se focalisant sur la promesse technologique, plonge le spectateur dans une expérience vertigineuse et hypnotique. Comme une attaque par déni de service.