Crèvecœur

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Mick Peter

Two Nots, Crèvecœur, Paris

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Le Bretzel et la Jesmonite
Il faut toujours comparer ce qui n’est pas comparable.

Le bretzel est un délicieux mets de boulangerie, particulièrement apprécié dans l’est de l’Europe (à tel point que les Français aiment un peu bêtement à ironiser sur les régions Alsace-Lorraine comme « pays du bret- zel »). La pâte du bretzel est pochée dans une eau additionnée de bicarbonate, puis cuite. Le bretzel doit im- pérativement se déguster frais. Autant dire que les ersatz de bretzel que l’on propose dans les supermarchés sous la forme de petits gâteaux apéritifs -affreusement secs- ne pourront jamais remplacer l’authentique et moelleux bretzel alsacien ou allemand. Ce sont des imposteurs.
Un épisode historique a offert au bretzel une notoriété aussi soudaine qu’étendue. En janvier 2002, Georges Bush, un président bien ancré dans la vie matérielle, tombe évanoui après avoir avalé un bretzel de travers. A ce moment précis, il manque de devenir le mort accidentel le plus idiot de l’histoire. Au concours des trépas les plus insolites, il se serait positionné loin devant Eschyle, mort assommé par une tortue (larguée sur son crâne chauve et poli par un gypaète vraisemblablement myope et affamé), loin aussi devant Philetas de Cos, érudit grec mort d’une insomnie, parce qu’il ne pouvait s’empêcher de penser au « paradoxe du menteur », ou encore devant Nicolas Gilbert, ce poète qui périt après avoir avalé une clé dans un moment de démence. Bush semble doué d’un talent inné au Grand Jeu de la Mort Biscornue : il manque de le gagner une seconde fois six ans plus tard, lorsqu’un journaliste irakien lui jette deux chaussures à la tête en pleine conférence de presse. Le tir rate la cible. Il aurait fallu une bonne paire d’escarpins à talons pointus et une bonne paire de lunettes aux verres bien propres. La chaussure, le bretzel et les lunettes ont ainsi en partage une forme un peu idiote, arrondie, binaire, et propice à ridiculiser tout ce qu’ils touchent. On ne peut d’ailleurs imaginer accessoire plus ridicule que les Bretzel Brille, ces hideuses montures de lunettes en formes de bretzel que l’on trouve généralement dans les régions où se fabriquent ces petits pains pochés.
La jesmonite n’est pas une spécialité boulangère, même s’il faut quelques notions de chimie pour l’utiliser. Elle consiste en un matériau à base de gypse, à mélanger dans une base aqueuse. Elle peut être utilisée comme liant, ou, coulée, elle constitue alors toute la matière de la chose fabriquée. Elle sert très fréquemment à la construction de pièces tri-dimensionnelles, ou de moulages. La jesmonite est également utilisée dans la construction d’abris de fortune, de cages à furets, de ceintures jaunes de judoka, et de pommes de pin décoratives. Blanche à la base (comme la farine de blé, et comme les grains de gros sel qui sont utilisés dans la confection des bretzels), elle peut être teintée dans la masse avec des pigments et des poudres métalliques (on ne trouvera au contraire que très rarement des bretzels colorés).
La jesmonite n’est pas une chose, comme le Bretzel : elle relève de la catégorie grammaticales des indénombrables. La jesmonite est uncountable, comme la « chevelure », « l’argent », « le gaz », « le riz », « la neige », « le pain », « la boue », « la pluie », « le schnaps » . On dit « de la jesmonite », mais on réclame « trois bretzels » au boulanger. La jesmonite ne brûle pas, alors qu’on peut carboniser un bretzel laissé trop longtemps au four. Mais comme le bretzel, la jesmonite est composite, non-toxique. Et elle est sans odeur. Dans la langue française, “bretzel” est indifféremment masculin ou féminin. C’est chose rare.

Jill Gasparina

Soon

The ceremony will be ready to start, the bell ready to be rung and the champagne to be served… Before that the artist will have got off the plane, caught a train, and found once more the crates and cardboard boxes containing his bubble-wrapped works, a bag of cement and the usual container of Jesmonite. As a type of strange ritual, an exhibition takes place in a dedicated space. This space will usually have a set of practical protocols, the inherent absurdity of which remains mainly invisible. But they are the end point of one of mankind’s most universal but demented activities; the transportation of things.
Ultimately Two Nots stand in this space, their formal echo bounces from one room to the other. If there were no wall in-between they would potentially face each other. The vertiginous effect of the Moebius-like shapes of the Nots is similarly interrupted by a strange magnetism, to elements pulled in from undefined surroundings. Our eyes slide along the curvilinear structure but keep bumping into banal or even vulgar cast objects: a shoe, a sock or a lumpen ball.
The Nots are not a couple of stereoscopy images, neither are they an austere reference to seriality in the 20th century history of sculpture. Instead they play a spot the difference game in a playful and subversively enchanted atmosphere, one that has been recurrent in Peter’s work. Here we are wandering somewhere bet- ween a theatre stage set, some novelistic props and the remains of a ludicrous epic. The torn down effect and disembodied eyes of the flyer also announce this fragmented universe. The only certainty we have is that those enigmatic and incongruous assemblages have to be seriously considered, especially for what they might represent, a knotted string, a shoelace or a pretzel. The knot’s formal beauty as well as its strange symbolic power is unshakable but its importance has been underestimated in the field of art. For instance about Francis Bacon’s paintings Louise Bourgeois invoked a certain culinary specialty: «Il distordait ses personnages – principalement masculins – comme un bretzel pris dans le mouvement d’attraction et de répulsion du ruban de Moebius.» (1)
Far from any tortured representation of the human body, bretzel or pretzel is never easy to pronounce when eating one of them. Why did the “bretzel” loose its “b” to become a pretzel? Imaginary alliterations and ghost letters are surrounding the Two Nots. A subtle tactile desire and a pretzel taste are metaphorically called in mind. And the disappeared “k” is as illusive as the pretzel softness: neither the back of the tongue nor the (k) not-like shape dough against your palate.

Caroline Soyez-Petithomme

  1. “He distorted his characters or figures — mainly male — such as a pretzel takes in the attractive and re- pulsive movement of the Moebius strip.” Francis Bacon : Papes et autres figures - Peintures de la Succession, Galerie Lelong, Paris, 1999.

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Two Nots, 2011, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Isabelle Giovacchini

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Two Nots, 2011, exhibition view, Crèvecœur, Paris. © Isabelle Giovacchini