Pour sa quatrième exposition à la galerie, Cuts and Tears, Mick Peter fait plus que jamais usage des méthodes littéraires qu’il convoite. Au beau milieu d’un roman, en effet, l’écrivain peut se permettre des changements abrupts de temporalité, de langue, de voix, de style, il peut même faire quelque chose de tout à fait physique, comme couper la page avec une paire de ciseaux qui traîne sur le bureau. Si Mick Peter était un auteur, il développerait le point de vue d’un narrateur incertain. C’est-à-dire un narrateur dont on a toutes les raisons de croire qu’on ne peut pas se fier aveuglément à ses dires, et que cela a une conséquence majeure sur la lecture de l’oeuvre…
Mick Peter transfère cette liberté de manipulation dans ses dessins, dans ses sculptures. Il s’agit toujours d’une manipulation d’idées et de formes mais il y a ici des contraintes, physique, de matière, d’échelle, de perspective, de dimension, de poids. Des contraintes qu’il n’a de cesse d’étirer, d’allonger, littéralement. Aussi surprenant que cela puisse paraître, Eisenstein a consacré à Walt Disney(1) un essai (inclus dans un livre inachevé qui se serait intitulé ‘Méthode’) dans lequel il attribue à Disney une force imaginative radicale, une forme de révolte contre le payages mécanisé de la production en chaine et la répartition du temps tayloriste, entre autres enjeux. Ce qu’il loue par exemple, c’est la qualité, chez Disney, par laquelle un objet ou une partie d’objet peuvent être allongés ou raccourcis (des cous, des pattes, par exemple). Il nomme le résultat de cette stabilité instable la « plasmaticité », pour évoquer le fait qu’une forme est en état constant d’auto-dissolution. Un état dans lequel «une fluidité de formes induit une fluidité de significations».
Mick Peter partage avec Disney (tout comme Thirber, Steig, Busch, Steinberg etc. dont parle aussi Eisenstein), queque chose qui s’apparente à une littéralisation du monde imaginaire. Le cinéaste décrit la «littéralisation de la métaphore» comme l’une des méthodes-clé du comics. Ce qui possède la capacité de manipuler ce procédé se conduit en sujet, irrespectueux certes, mais aussi spontané et indépendant. Ce qui possède la capacité de changer d’’échelle, mais aussi de dimension. En passant du plan du papier au plan de notre espace tri-dimensionnel, et vice-versa, l’artiste bouscule aussi les conventions qui régissent notre système de représentation. Et si la sculpture était une peinture gonflée? Alors la peinture serait peut-être une sculpture dégonflée…
- «Disney», Sergei Eisenstein, Ed. Oksana Bulgakova and Dietmar Hochmuth. Traduit par Dustin Condren, Potemkin Press 201 ↑