Sol Calero est née et a grandi au Vénézuela jusqu’à l’âge de 17 ans. Ses peintures aux motifs végétaux mêlés à des architectures vernaculaires qui produisent un aspect festif et lumineux propres à l’iconographie tropicale se revendiquent de ses origines et de sa culture sud-américaine. Elles sont souvent conçues comme des mémoires plus ou moins précises de ses souvenirs d’enfance, s’appuyant sur des archives personnelles ou familiales. Toutefois, fortement marquée par les peintures (d’ex-voto notamment) réalisées au Pérou par les peuples indigènes (entres autres descendants Incas) suite à la conquête espagnole entre les XVIe et XVIIIe siècles (ce qu’on appelle La Escuela Cuzqueña), son œuvre ne peut pas se résumer à un cliché territorial, uniquement coloré. Un continent ne peut pas être contenu dans une carte postale. Elle exprime une conception de l’art totalement syncrétique, au croisement de plusieurs cultures, identités et expériences. C’est ainsi que sa peinture peut aussi être perçue par un regard occidental, notamment par le prisme de Matisse qui en son temps fut l’un des premiers européens à libérer la couleur de ses codes et juxtapositions stéréotypés.
Au-delà de la peinture et de ses éternelles références, la singularité du travail de Sol Calero est également de s’immerger totalement dans les lieux et contextes dans lesquels elle travaille. À la Villa Arson, son projet s’est élaboré au cours de sa résidence alors que des pluies quasi tropicales frappaient la région aux mois de novembre et décembre derniers (situation à laquelle le titre qu’elle a choisi pour cette exposition fait référence).
L’artiste a construit une sorte de pont afin de traverser, sans marcher dans une flaque d’eau, les espaces les plus frappés par les infiltrations. Elle a également détruit les cloisons rongées par l’humidité et se sert des gravats comme des matériaux pour sculptures. Elle joue aussi avec la lumière qui traverse les grandes fenêtres des galeries pour en capter les reflets qu’elle projette dans l’espace, tout comme elle duplique la couleur ocre-rouge du patio central du centre d’art pour la faire pénétrer à l’intérieur des salles d’exposition afin d’inclure l’extérieur à l’intérieur, végétation naturelle comprise.
Ses installations prennent souvent l’aspect d’espaces domestiques : salon d’appartement ou de coiffure, salle d’attente, agence de voyage, snack ou buvette, bureau de change, et même un bus reconstitué en bois peint comme récemment à la Tate de Liverpool. Après avoir remarqué que la bibliothèque de la Villa Arson possédait très peu de livres sur les arts d’Amérique du Sud, elle a donc commandé une trentaine d’ouvrages sur le sujet qu’elle réunit dans un petit meuble accompagné de trois banquettes recouvertes de tissus et de couvertures de déménagement. Les livres iront ensuite dans la bibliothèque de l’établissement afin de diversifier ses références. L’artiste souhaite que cet espace de consultation soit occupé par les étudiant.e.s et le public tel un lieu de vie et de réflexion – une école dans l’école -, prolongeant ses processus d’immersion dans les lieux dans lesquels elle vit et travaille.